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Phil Spector

Droit sans le mur du son

Né en 1939 dans le quartier «  doublement noir » (selon l’écrivain Chester Himes) du Bronx, au nord-est de New York, responsable, entre 1959 et 2003 d’au moins 100 chansons parmi les plus fabuleuses de la pop, inventeur du Wall Of Sound dyonisiaque, collaborateur de deux Beatles  (sur quatre ), réinventeur des Ramones et, depuis cinq …

mercredi 09 novembre 2011
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Né en 1939 dans le quartier «  doublement noir » (selon l’écrivain Chester Himes) du Bronx, au nord-est de New York, responsable, entre 1959 et 2003 d’au moins 100 chansons parmi les plus fabuleuses de la pop, inventeur du Wall Of Sound dyonisiaque, collaborateur de deux Beatles  (sur quatre ), réinventeur des Ramones et, depuis cinq ans, en prison pour meurtre dans une prison d’état californienne, PHIL SPECTOR, 72 ans bientôt,  pourrait n’en sortir qu’ en 2027 tel une ombre, et ne laisser que le souvenir d’un minuscule Dracula de série Z, assassin d’une actrice de série B comme dans un film de genre en noir et blanc.

Sur le tableau de sa vie haute en couleurs, la courbe de son génie des sons  et celle de sa paranoïa féroce se sont croisées, la seconde prenant le pas sur la première : voilà bien 20 ans que le nom de PHIL SPECTOR n’est plus associé à un disque fulgurant, mais plutôt à quelque anecdote navrante ou fait divers pathétique. Pourtant, au sommet de sa créativité, ce chétif et très nerveux petit fils d’émigrants juifs fut, à lui seul, un géant de la pop américaine au même titre que Berry Gordy, le Jupiter Tonnant de Motown, ou que Brian Wilson, le Mozart Fracassé des Beach Boys : auteur affûté, compositeur sans limite de style ou de goût, arrangeur iconoclaste, stratège sans scrupule, homme d’affaire affamé de pouvoir et homme à femmes assoiffé de sang frais, PHIL, auto proclamé «  Wagner de la pop » avec ses symphonies  de 3 minutes pour ado, a ourdi, et surtout produit, des dizaines de singles à impacts multiples, à la facture inimitable.
Droit sans le mur du sonDes scintillantes Crystals ( «  Da Doo Ron Ron » !..) à Ike & Tina Turner ( le cyclone «  River Deep, Mountain High » de 1967, c’est évidemment lui ! ), des abrasives Ronettes ( «  Be My Baby » !.. ) à  un Léonard Cohen mystifié ( son album DEATH OF A LADIES MAN de 1977, totalement vampirisé par  un SPECTOR atteint des premières affres de la folie…mais encore en état dicter sa loi, sinon d’accoucher d’une œuvre autre que monstrueuse, avec le charme maladif qui s’en échappe tel un avant- dernier soupir…), des très désincarnés Righteous Brothers ( « You’ve Lost That Lovin’ Feeling », déferlante émotionnelle imparable, n° 1 planétaire en 1964…)  aux très carnassiers Ramones ( dont l’album END OF THE CENTURY, en 1980, sera le chant du cygne cramoisi : pas loin de la fonte définitive des plombs, l’ex-enfant prodige du Bronx ne fait qu’une bouchée de ce gang punk de Brooklyn un peu trop vert pour ses rouges babines…), de ses albums de Noel gavés d’arsenic premier choix à ceux des divins Beatles fatigués de l’être ( LET IT BE, dont il surcharge de miel les titres d’un McCartney absent…) ou de George Harrison et John Lennon ( trois énormes galettes rien qu’en 1970, deux encore en1971, et ce ne sera pas tout !…), le court Yéti des studios angéléniens a su révolutionner les gammes d’une musique jusqu’alors relativement limitée quant à ses ambitions en matière d’espaces soniques : tel un architecte fou, il a tracé des lignes d’horizon là où d’autres ne voyaient rien, imaginé des courbes fécondes là où ses pairs, souvent, ne décelaient que platitudes arides. Ses moyens : la règle indépassable du « mono » primal, gavée de mille et une couches instrumentales n’enfonçant qu’un seul et même clou à travers une voix (trop) humaine et une mélodie (forcément ) diabolique . Dans 95% des cas, ces voix appartenaient à des êtres de chair que Phil, peu ou prou, réduisait à merci, voire en esclavage ; le pourcentage restant porte trois noms : John Lennon, qu’il craignait, George Harrison qu’il cherissait, et Veronica « Ronnie » Bennett, corps et âme des Ronettes, qui fut tour à tour sa muse, son épouse, l’objet et finalement l’une des causes de ses infernaux tourments… Il se trouve que celle-ci et ces deux-là atteignirent leur nirvana respectif ( en solo pou ces messieurs !) avec SPECTOR, et que tous ceux qu’il approcha, avant de les blesser ou de les détruire, bénéficièrent, et non pâtirent, de la fréquentation de ce vampire d’opérettes – à tous les sens du terme ! Autant pour la morale, pourraient applaudir tant le Caravage et Robert Johnson que Louis-Ferdinand Céline ? Mais Art et Morale ne se crèpent-ils pas le chignon depuis (au moins ) Adam et Eve ?

Droit sans le mur du son

Le coffret «  PHIL SPECTOR Presents The Philles Album Collection » couvre une bonne partie des sixties sur 5 CD essentiels, lestés d’un livret de 34 pages truffées d’infos et de photos ; il est accompagné de 3 albums distincts et autonomes non moins indispensables : un « Best Of » des Crystals, un autre des Ronettes, plus le «  vraiment meilleur » de PHIL entre 1961 et 1966, soit la crème de la crème des groupes précités plus les Righteous Brothers, Ike et Tina, Darlene Love et même Bob. Soxx and the Blue Jeans : «  lost that lovin’ feeling » ? Pas déjà !…