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DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince, Will Smith

« He’s the D.J., I’m the Rapper » : La pépite de Will Smith

Mettez de côté ce que vous savez de Will Smith. Avant d’être la mégastar interplanétaire que tout le monde connaît, il débuta sa carrière d’entertainer au milieu des années 80 à l’âge de 17 ans, où il fit ses gammes en tant que MC dans les clubs Hip-Hop de Philadelphie.

jeudi 25 juin 2015
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« Will Smith, l’un des meilleurs story tellers du Hip-Hop » – KRS-One

Préférant refuser une bourse d’études du prestigieux MIT de Boston pour se consacrer au rap, il fit la rencontre de son acolyte Jeff Townes, alias D.J. Jazzy Jeff, lors d’une soirée. A l’époque, le plus connu des deux est sans nul doute Jazzy Jeff, un D.J. de Philly ayant déjà une solide réputation derrière lui.

Selon la légende, leur premier échange eut lieu sur scène : Jazzy Jeff aux platines attendait son MC du soir qui ne vint finalement jamais. Smith, au culot, prit alors le micro, monta sur scène et se mit à rapper sur les scratches de Jazzy Jeff. L’alchimie fut instantanée et le duo se mit alors à rêver d’une carrière musicale en binôme.

En 1987, D.J. Jazzy Jeff & The Fresh Prince sortent chez Jive Records leur tout premier album intitulé « Rock the House » (disque d’or à la sortie, triple disque de platine en fin de course) incluant le tube « Girls ain’t nothing but trouble » . Sur ce premier single, on y remarque déjà toute l’efficacité des scratches de Jeff et le talent humoristique et incisif de la plume de Smith, qui vient à peine de souffler ses 18 bougies…

« Avoir un tube en radio tout en étant toujours étudiant est un souvenir mémorable! » dira plus tard le Fresh Prince. Fort de ce premier succès, Will et Jeff veulent à tout prix continuer sur leur lancée et sortent l’année suivante, le 29 mars 1988, le classique de leur discographie : l’album « He’s the D.J., I’m the Rapper » . Ce double LP (le tout premier de l’histoire du Hip-Hop) est remarquable à bien des égards.

En effet, pour la réalisation de ce deuxième opus, Jive Records décida d’envoyer le duo, à sa grande surprise, aux mythiques Battery Studios de Londres, fait rarissime dans le rap américain. La conception de l’album? Elle a tout bonnement eu lieu dans leur chambre d’hôtel londonienne! La journée, Jeff, qui avait apporté dans ses bagages ses drums machines et tout son matériel, peaufinait les productions, tandis que Will se chargeait des lyrics. Une fois satisfaits, les deux compères partaient le soir même enregistrer toute la nuit en studio les compositions du jour.

La création et l’enregistrement se feront d’une traite, en un mois, « en voyant à peine la lumière du jour » dixit Jeff. On retrouve dans cet album toutes les recettes qui on fait le succès du premier, mais de manière bien plus aboutie et efficace. JJFP, ou le parti pris audacieux et assumé de l’humour, de l’auto-dérision et du cool aux antipodes de la scène rap qui se dessine à l’époque, celle du Hip-Hop sérieux et conscient, sans oublier le gangsta rap…

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« Avec cet album, vous serez disque d’or en un mois » Russell Simmons (Fondateur du label Def Jam)

L’alchimie entre les deux compères transpire sur pratiquement chaque titre. On assiste parfois même à un vrai « ping-pong musical » entre le micro et la platine, Jeff « répondant » à Will en scratchant dans l’esprit authentique des soirées de leurs débuts.

Rarement auparavant sur disque aura-t-on entendu un MC faire autant la part belle à son D.J.; une mise en scène toujours prétexte à raconter une histoire (écoutez « Rhythm Trax – House party style » ou le titre éponyme « He’s the D.J., I’m the Rapper » ).

Savoir raconter des histoires, c’est bien la grande force du Fresh Prince. L’album s’ouvre d’ailleurs avec un parfait exemple du genre, « Nightmare on My Street » (sorti en troisième single, classé 15ème au Billboard Top 100), où Will dépeint avec humour et de manière extrêmement visuelle sa rencontre cauchemardesque avec Freddy Kruger.

En troisième position dans le tracklisting de l’album, le tout premier single « Brand New Funk » (probablement le meilleur titre de cet opus), uniquement sorti en format promo. L’intitulé n’est vraiment pas usurpé, tant le beat est puissant avec son sample de James Brown (« My Thang »), les scratches de Jazzy Jeff percutants et le flow de Will Smith ardent. Cette perle, faisant parfaitement le crossover entre le meilleur du Hip-Hop de l’époque et la fin de l’ère funky, démontre que le duo peut briller autrement que sur des histoires humoristiques et légères. Anecdote amusante : on peut voir dans le clip et sur les photos promotionnelles de l’époque que Jazzy Jeff & Fresh Prince sont habillés par la marque française « Le Coq Sportif »!

Dans la veine de « Brand New Funk » , certains titres se détachent clairement grâce à leur richesse musicale, tels « Here We Go Again » avec son sample parfaitement maitrisé de « Westchester Lady » de Bob James, « Time to Chill » , avec celui de « Breezin' » de George Benson, « As We Go« , sample du très funky « Impeach the President » des Honey Drippers, ou encore « Pump Up the Bass » , et le sample du fameux « Funky drummer » de James Brown, une nouvelle fois. À noter, les passages efficaces de beatbox de leur comparse Ready Rock C présent sur ce dernier titre et tout au long de l’album, venant habilement compléter le tableau.

Autre fait marquant de cet opus, le titre « Live at Union Square » (New-York), enregistré en novembre 1986, recèle quelques anecdotes notables. En effet, couché sur bande à l’insu du groupe qui se produisait alors sur scène, il fait étalage de l’aisance de Will Smith, âgé uniquement de 17 ans, et surtout de la technique hors-pair de Jazzy Jeff aux platines qui va littéralement subjuguer la foule, révélant pour la première fois sur bande, le fameux « Transformer scratch » (nom provenant du bruit émis comparable à celui des engins de « Transformers »). Cette technique de scratch spectaculaire créée en bougeant à la fois le vinyl sur la platine et en jouant de manière répétée sur le crossfader, a été longtemps associée à Jazzy Jeff, grâce à la qualité de sa performance ce soir-là, bien qu’il n’en soit en rien le créateur.

« Live at Union Square » , enregistré par le D.J. New-Yorkais, D.J. Mr Magic, fut programmé par ce dernier sur les ondes. Devant le succès du titre en radio et des nombreux appels des auditeurs, Will et Jeff, qui n’avaient pas connaissance de l’existence de cette bande et de son succès grandissant en radio, furent alertés et décidèrent de l’inclure en dernière minute sur l’album. « ‘Live at Union Square‘ a sans aucun doute assis ma réputation et aidé ma carrière en tant que D.J., et plus particulièrement à New-York » révèlera Jazzy Jeff.

Mais c’est un autre titre qui va propulser le duo dans une autre dimension, et sur lequel Will Smith révèle une fois de plus toutes ses qualités de « story-teller » : « Parents Just Don’t Understand » (classé 12ème au Billboard Top 100). La chanson, sortie en second après le promo « Brand new Funk » mais considérée comme le vrai premier single de l’album (ce n’était pourtant pas le titre préféré de Will et Jeff), est une œuvre résolument drôle, burlesque et naïve, racontant les incompréhensions et les déboires d’un ado face à ses parents. La performance de Will Smith sur ce titre est particulièrement remarquable car son rap personnifie, avec des intonations différentes, à la fois l’ado incompris ainsi que les parents sévères qui ne comprennent pas leur enfant.

Le clip (dans le même esprit que « Girls Ain’t Nothing But Trouble« ) reflète ce rap positif et enlevé à travers ses couleurs flashy et ses personnages déguisés, et met parfaitement en images l’histoire délirante écrite par Smith. On raconte que c’est en regardant ce clip que le fameux musicien et producteur Quincy Jones, à la recherche de sa star masculine pour la toute nouvelle série sur NBC « Le Prince de Bel Air », aurait immédiatement jeté son dévolu sur Smith. Face au charisme, au charme et à l’humour de ce dernier, il vit en lui la personne parfaite pour interpréter ce jeune de banlieue de Philadelphie qui débarque en Californie chez son oncle aisé, alors même que Will n’eut jamais joué une seule ligne de texte au théâtre ou au cinéma auparavant… « Ce type est un acteur né! » déclara-t-il. La suite lui donna raison. Regardez attentivement le clip, toute l’imagerie et l’univers de la série « Le Prince de Bel-Air » est dans cette vidéo!

« Parents Just Don’t Understand » et son thème universel dépassera les frontières quelque peu cloisonnées du rap pour devenir un tube mainstream que les radios généralistes diffuseront en grosses rotations et que les rappeurs de la scène consciente et hardcore critiqueront ouvertement.

JJFP American Music Awards

Malgré les critiques, les récompenses ne tarderont pas. Cette année-là, la chanson remporte deux American Music Awards ainsi que le premier Grammy Award de l’histoire décerné au rap (le groupe en récoltera un deuxième, trois ans plus tard, pour le titre « Summertime« ).

Mis au courant de leur victoire au préalable, le groupe fait savoir qu’il n’ira pas chercher son prix et boycottera la cérémonie des Grammys car les producteurs de l’émission avaient décidé de ne pas téléviser la catégorie rap. En 1998, le magazine Hip-Hop « The Source » classe l’album « He’s the D.J., I’m the Rapper » dans son Top 100 des meilleurs albums rap de tous les temps. L’album se vendra à plus de 2 millions d’exemplaires.

Jazzy Jeff est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs D.J.’s et producteurs du monde (via sa société de production A Touch of Jazz), et peut être aperçu lors de ses tournées mondiales, où il distille des D.J.’s sets qui ont fini d’asseoir sa légende.

De son côté, Will Smith a eu la triple carrière à succès que l’on connaît (Musique/Série TV/Films). Aurait-il été ce qu’il est devenu et ce qu’il représente aux yeux du monde, sans l’album « He’s the D.J., I’m the Rapper » ? On peut légitimement se poser la question.

Romain ‘Rpiz’ Pizon

Écouter « The Very Best of D.J. Jazzy Jeff & The Fresh Prince »  : Deezer – Spotify

 

Crédits photos : D.R.